vendredi 2 mars 2007

CHOCOLAT-ORANGE

C’était son parfum. Ce parfum si particulier qui avait le don de me rassurer. Ce parfum je l’aimais. L’odeur était indescriptible. La rose peut-être… Le chocolat aussi. En fait je savais pas. Maman. Son odeur. Son parfum. Unique. Ca sentait comme les jours où j’entrais en cachette dans sa chambre. Je passais des heures dans son placard. J’aimais me cacher là. Je pouvais rester des heures au milieu de ses foulards, ses jolies robes. Son odeur. Et puis son rouge à lèvres aussi. Je me barbouillais avec. Comme ces petites filles qui chaussent les talons de leur mère. Elles enfilent leurs tailleurs. Moi, c’était son rouge à lèvres. Elle me disputait alors. Jamais méchamment. Ca coûtait cher disait-elle. Je savais pas. Maman ne m’a jamais frappé. Des fois maman était triste. Elle s’énervait après moi. Jamais méchamment. Jamais longtemps. Après elle regrettait. Elle me serrait dans ses bras. Sa peau douce. Son odeur. Emouvant. Rassurant. Maman elle était pas triste avant. Avant. Je me souviens plus très bien. Un jour tout a changé. Un jour de neige. Un peu avant Noël. Avec maman on ne fête plus Noël. Il neigeait. Papa conduisait. Il rentrait de son travail. Son travail, j’ai jamais vraiment compris ce que c’était. Il s’occupait des gens malades. Mais pas comme un docteur. Papa ne faisait pas de piqûres. Papa parlait. Il soignait les gens en leur parlant. Et puis, papa a glissé. Enfin non, pas lui, la voiture. Il a perdu le contrôle on nous a dit à maman et moi. Quelques jours avant Noël : papa est mort. Après c’était plus pareil. Maman pleurait. Tout le temps. Je me blottissais contre elle. Elle sentait bon. Son parfum. Agressif. Rassurant. Elle disait que je pouvais rien faire. Que personne ne pouvait la consoler. Son parfum. Triste. Malade. Moi je comprenais pas. Je me demandais pourquoi papa il pouvait pas la soigner. Au ciel, on peut parler non ? Aujourd’hui maman va un peu mieux. Mais quelque chose s’est éteint sur son visage. Ses yeux peut-être… Je ne sais pas. Son odeur elle, n’a pas changé. Son parfum. Raccommodé. Fragile. Maman me fait un gâteau. Chocolat-orange elle m’annonce toute fière en le découpant. La part est encore chaude. Je la saisis délicatement. J’ouvre une grande bouche. Ma bouche trop grande pour mes neuf ans. Maman sourit. Un instant je crois voir une lueur dans son regard. Ses yeux. Ils rebrillent. Ou peut-être ai-je rêvé… Je ne sais pas. En fait, je crois que je ne veux pas savoir. Je croque le gâteau. Il sent maman. J’ai du chocolat partout. Il déborde autour de ma bouche. Comme le rouge à lèvres.

Lorraine

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